Sur une contradiction issue d’un malentendu volontaire

Vu à la télé : Edgar Morin et ses amis glorifier le migrant transcontinental et défendre l'économie solidaire et "les circuits courts"

Sur une contradiction issue d’un malentendu volontaire

Messagepar Francis Marche » Mer 12 Juil 2017 17:37


La notion de solidarité est celle que mettent en avant aujourd'hui le vieil Edgar Morin et ses amis :

1. Tous prônent ce qu'ils appellent "la solidarité", laquelle suppose que le solidaire connaisse celui vers qui se porte son élan de solidarité, qu’il l’ait clairement identifié, que l'empathie manifestée pour lui s'appuie sur une connaissance de la condition de son bénéficiaire et de l'historique de cette dernière, cette connaissance fût-elle partielle, ou très générale, acquise par réputation, etc. On ne peut se déclarer solidaire de bonne foi qu’envers des personnes identifiées, dont la condition est connue. Par exemple, on se dira « solidaire avec des mineurs en grève » parce qu’on sait, avec certitude que ces mineurs le sont véritablement et parce que la condition de mineur est attestée, abondamment décrite et documentée, autant que peut l’être la grève engagée par ces mineurs ; voilà qui, à l’inverse, rend futile en soi toute déclaration de « solidarité » avec des « sans-papiers » car par définition, de ces derniers, on ne sait rien ; leur identité véritable est non attestée – peut se cacher derrière un « sans-papiers », un criminel recherché, un violeur d’enfant, un négrier, et se déclarer « solidaire d’un sans-papiers » n’a par conséquent aucune sorte de sens en dehors d’une manifestation d’hypocrisie politiquement intéressée ;

2. Tous vilipendent "le libéralisme" qui lui, en contrepoint des présupposés de la prétendue "solidarité" qu'on vient de dire, fait fi de la connaissance des personnes engagées dans les circuits économiques ou aspirant à s’y engager ;

3. Et tous, logiquement, donnent la primauté à la valeur-connaissance ou valeur-confiance dont jouit l'agent économique familier, laquelle en régime d'économie libérale se trouve remplacée par l'argent anonyme, qui n'a pas d'odeur, et qui permet à celui dont on ne sait rien de se faire accepter dans le cercle des échanges économiques au plan local comme au plan global ;

4. Ils prônent aussi "les circuits économiques" courts, autrement dit le bouche-à-oreille, le carnet d'adresses, le tuyau confidentiel, la diffusion privée, non "commerciale" des opportunités d'achat et de vente, et d'échange par troc, toutes modalités qui supposent la primauté de la valeur-connaissance mutualisée des agents de ces circuits (qui connaît qui, qui introduit qui, etc.) ; ces circuits économiques courts, localisés, et la valeur-connaissance mutuelle qu'entretiennent ses agents, sont bien entendu en congruence avec le grand schème associatif, ardemment valorisé par un Edgar Morin en ce moment.

Fort bien.

La contradiction : que le migrant, le nomade, l'étranger, le nouveau venu, qui dans le système idéologique de ces gens tient la place qu'occupait le messie dans les systèmes idéologiques et spirituels antérieurs, ne peut logiquement trouver sa place dans le dispositif associatif-solidaire qui a pour pilier la valeur-connaissance qui pourrait être désignée comme familiarité, puissance inter-identificatoire des agents. Le migrant est par définition celui qui est extérieur au cercle des agents connus des échanges au plan local, et d'ailleurs lui-même en est très conscient qui est dès l'abord, très intensivement, à la recherche d'argent, de monétisation des échanges, seule à même de permettre son insertion dans les circuits économiques. Le migrant est ontologiquement et spontanément un agent de l'économie libérale ennemie des systèmes de valeur humanitaristes et sociaux des tenants de l'école d'Edgar Morin ; il l'est parce qu'il est de prime abord extérieur et nouveau, son visage n'est pas identifié dans le réel des cercles économiques locaux que promeuvent les idéologues de la solidarité, et la solidarité à son sujet de ce fait ne peut être que de mauvaise foi (on ne saurait être solidaire de celui sur qui on ne sait rien et qui dissimule son identité autrement que dans le mythe narratif qu'il entretient ou que la rumeur entretient sur l'historique et les causes originelles de sa venue – cf. récits biographiques bidonnés, tous les mêmes, des "faux réfugiés"). Donc le migrant vend du récit (soit ce qu'on désigne aujourd'hui comme "narratif"), du vent, pour acquérir des faveurs, des droits ou des biens (logements, nourriture, etc.), c'est ainsi qu'il commence sa carrière dans les circuits économiques : il monnaye un récit, une représentation mimée de son historique personnel investie d'une puissance identificatoire.

Puis il brigue, assez tôt, par tous les moyens à sa disposition, dont souvent la rapine et l'escroquerie, son insertion dans les circuits de l'économie libérale, l'économie anonyme, où la familiarité partagée des acteurs au plan local, le principe d'association, ne sont strictement rien, de valent rien, sont hors-sujet.

Le plus terrible est que les edgar-morinistes sont aveugles à cette contradiction dans laquelle ils sont pris : le migrant est un libéral, un type des années 80, il lui faut du fric pour exister socialement, ici et dans son bled, seul le fric, qui vaut partout pareil, qui se fiche de la couleur des yeux de qui le possède ou du grain de peau de la main qui le tend, vaut qu'on se déplace, fait mériter sa présence dans un espace social. Les principes du cercle fouriériste de l'harmonie sociale par associations locales de gens se connaissant, se faisant confiance, s'entr'aimant pour se connaître de long temps, il s'en contre-fiche, le brave, qui est un transcient, un sans-frontières, et Edgard Morin et les discours que reprennent ses mignons sur les "circuits courts", et presque la fin de l'argent, lui inspirent au mieux un sourire de pitié, au pire une méchante et hostile incompréhension, un mépris d'âpre conquérant à l'égard de ces écoles néo-fouriéristes de la pensée sociale et économique. Il est leur ennemi absolu et cette foncière inimitié, qui paye de retour la fausse "solidarité" exprimée à son égard, ceux qu'elle vise ne la voient pas, la méconnaissent totalement.

Pour résumer : les tenants d'une économie associative s'allient avec le Diable quand ils déclarent leur flamme au migrant, car celui-ci est tout à la fois l'émanation, le sous-produit et l'agent propagateur de l'économie libérale mondialisée, celle des rapports de force économiques, antithétiques au modèle associatif.

Le migrant actuel, qui fait le choix de l'anonymat (être sans papiers c'est être anonyme), au contraire des migrants européens ou maghrébins du siècle dernier, n'ambitionne pas de devenir partie prenante d'une société stable, bornée, en s'y faisant ouvrier (comme les Maghrébins dans les années 60), maçon ou paysan, ou mineur comme les migrants d'Italie ou d'Europe de l'Est dans l'entre-deux-guerres ; il commence par monnayer sa présence par voie de transaction (récit autobiographique vendeur contre avantages en nature dont est assorti l'accueil), puis, très vite, se lance dans le commerce, le trafic, l'économie parallèle transnationale, ce qui le place dans une sphère où le sens de l'appartenance qui nourrit la sphère associative est parfaitement absent, extérieur, à mépriser, à ignorer, à piétiner.

L'alliance entre les tenants de l'économie associative et le migrant, qui est par excellence l'agent des échanges monnayés et des valeurs monnayables, est un contresens politique, une contradiction aveuglante, et du reste, ses propagandistes en sont frappés de cécité.

A quoi sert l'argent ? à compenser ma perte de crédit une fois franchi les bornes de mon village natal, une fois entré dans des territoires où personne ne me connaît. Si mes échanges demeuraient limités au cercle de ceux qui me connaissent (tribu, cercle associatif, etc.), l'argent perdrait pour moi toute utilité, et c'est du reste ainsi que l'on voit resurgir le troc chez certaines populations villageoises pauvres tombées hors des circuits économiques nationaux en France même (certains villages d'Ariège, etc.) . Le mouvement associatif nourrit ce vieux rêve fouriériste consistant à interagir, au plan économique et humain, et affectif, avec le seul connu, dans le bain de l'identifiable et de l'identifié. En un sens l'économie associative, par nature anti-libérale, est très "identitaire", et s'accorde avec l'inamovibilité de l'appartenance et la permanence des états sociaux. Elle est un jeu statique où l'enjeu se situe en dehors du cercle économique – le mieux-être écologique, sanitaire, relationnel entre les agents et éléments inter-identifiés du cercle d'"harmonie passionnée". L'échange économique lui est un moyen de satisfaire des ambitions endogènes extérieures à l'objet économique.

L'argent sert au nouveau venu, à celui dont on ne sait que trop peu, qui transporte avec lui tout le crédit pour lequel le recommande la Banque auprès des circuits et cercles économiques existants et que ses pérégrinations lui fait rencontrer. Il est ce qui porte le migrant, lui permet d'agir et d'interagir avec la matière humaine et économique qui se présente à lui dans les sociétés qu'il aborde. C'est donc ainsi que le migrant, à l'époque actuelle (qui diffère en cela de celle des années 70 du siècle dernier) se trouve être le fer de lance de l'économie libérale, violemment antagonique au cercle d'économie identitaire, celui du modèle associatif qui veut des "circuits courts" tout en se disant enamouré du migrant transcontinental.

Une économie sans argent, ou presque, une "économie solidaire", n'est envisageable que dans l'un des deux cas de figure suivants :

1. l'état de luxe identitaire, soit le cercle familial ou clanique où le crédit identitaire (la valeur de notoriété ou valeur-reconnaissance) pallie le défaut de richesse pécuniaire, de crédit bancaire et de fiat du Trésor (les billets de banque) ;

2. le luxe identitaire simulé par et dans une solidarité avec l'inconnu qui vaut acte de foi performatif et qui repose sur le postulat d'une communauté de condition universelle : le migrant, dont je ne sais rien, est mon frère et je lui dois ma solidarité, mais il ne s'agit nullement ici d'un "devoir de solidarité" mais déjà d'une dette, laquelle le migrant transcontinental monnaye comme créance dès l'abord, cède contre faveurs et passe-droit lorsqu'il pénètre, ou est censé pénétrer, dans le cercle de l'économie solidaire ou promise telle.

Le cercle économique solidaire relève donc

- de l'économie intra-villageoise, intra-communautaire et intra-familiale, de principe et d'échelle clanique ;
- ou bien repose sur le pacte mystique de l'amour universel (qui n'est pas la philanthropie, laquelle ne fait pas cercle) et sa chaîne de bienfaits.

Or le migrant transcontinental n'est nullement, et pour cause, partie à l'économie intra-communautaire d'un village lorrain ou provençal, ni ne souscrit volontairement et de manière désintéressée au pacte mystique de l'amour universel auquel adhèrent ses accueillants (que ceux-ci soient chrétiens, prétendûment athées, gnostiques ou franc-maçons), a fortiori lorsque lui-même se trouve être mahométan (confession religieuse qui porte en elle son propre projet d'économie solidaire autonome et farouchement réservé – la finance islamique). D'où l'échec, la fatale contradiction et l'horizon de victimat que se réservent ceux qui, parmi les partisans d'une économie solidaire, misent sur lui comme sur le messie.

Le concept de village universel, que l'on doit aux GAFA de la nouvelle économie, représente une tentative utopique d'échapper à cette contradiction[1]. La "communauté de destin", précisément parce que le seul fondement et ciment à son existence de communauté n'est que le destin (le fait d'être là et d'y durer et d'en accepter le sort tout autant que la nécessité de lutter contre ce sort) ne s'articule sur aucune foi universelle. La foi universelle (celles des droits de l'homme ou de toute religion substituable à la catholicité originelle) n'a rien à faire dans la "communauté de destin", ces deux concepts étant antinomiques ou au mieux indifférents. Celui qui, de naissance et par sa naissance se sait pris dans une communauté de destin avec ses semblables dans le cercle des connaissances et l'espace de la localité, n'a nul besoin d'un partage mystique avec ceux-là. La communauté de destin a pour socle une communauté de condition, laquelle se passe de foi universaliste.

Alors l'appartenance s'étant dissipée par l'effondrement des liens de destin, il faut souder la communauté envolée et désormais imaginaire par un lien universel, unique recours contre la dissolution totale. C'est l'économie numérique qui y pourvoit, les Gafa, Facebook en tête, recréent virtuellement des liens communautaires imaginaires chez les atomisés, mais pas seulement : cette économie restaure et réinvestit la coque vide et échouée de l'universel.

Il n'est pas de plus éclatante "contradiction dans les termes" que celle que véhicule l'expression "village universel". Et parallèlement cette expression dit tout du rôle nouveau, nouvellement investi dans le concept d'universel : recréer par lui le village en allé pour toujours et, par le fiat démonétisé (le fiat des visages, chez Facebook, comme son nom l'indique, le terme "book" désignant aussi les livres de comptabilité en anglais [2]), l'économie citoyenne, l'échange horizontal dont les réseaux sociaux impriment le schéma – restaurer l'illusion confiante d'une communauté de destin offerte comme un donné naturel lors même qu'il s'agit-là d'une très cruelle et très perverse illusion, sciemment fabriquée, "ingéniérée" en deça et sous couvert du donné social lui-même.

Sur la devise visagière et autographe : quand Hong-Kong était encore un gros (très gros) village (il y a trente ou quarante ans) où les grands acteurs économiques se connaissaient tous personnellement, s'entre-fréquentaient par-delà les périmètres des clans, l'histoire suivante circulait sur l'homme qui était tenu pour plus riche de la ville : le milliardaire entrepreneur Li Ka-shing, fondateur du groupe Hutchison et créateur du groupe Orange (oui, celui de nos télécommunications).

Un jour que Li Ka-shing se trouvait dans un dîner d'affaires avec des partenaires étrangers, accompagné de collaborateurs, il déchira un coin de la nappe de papier et y griffonna, au-dessus de l'autographe qu'il venait d'y apposer, devant tous, démonstrativement, le billet laconique suivant destiné à fortement impressionner ses interlocuteurs et afin d'enfoncer le clou sur le crédit financier dont il jouissait alors: "30000 dollars. Merci. Signé : Li Ka-shing" et ordonna à un de ses collaborateurs d'aller présenter ce coin de nappe déchirée, peut-être graisseux, aux guichets de la banque la plus proche, celle du coin de la rue où ils se trouvaient et qui, dit-on, n'était pas même une agence de sa banque !

Vingt minutes plus tard, l'aide de Li Ka-shing revient dans le restaurant, une sacoche à la main, bourrée de 30000 dollars en coupures de 50 qu'il pose sur la table.

Tel est le luxe identitaire, celui où la notoriété souveraine et partagée (tout le monde connaît tout le monde) relativise la sacralité de l'argent. La notoriété est la devise, celle donnée par le crédit visagier et autographe de l'homme qui en jouit. Cela vaut aussi pour la nomenklatura des économies dirigistes, celle du monde des démocraties soviétoïdes, en RDA ou en Hongrie, dans les années 70, quand les puissants, à vrai dire ne touchaient pas l'argent ! Tout ce dont ils pouvaient avoir besoin, tous les biens et services monnayables en économie libérale (voitures, équipages, biens immobiliers, services d'escort, meilleures places dans les meilleures universités pour leurs enfants, etc.), ils en jouissaient sans frais, sans argent. On retrouve ce schéma chez les responsables de certaines associations subventionnées en France pour qui "tout passe en frais" : des week-ends de formation bidon dans les châteaux aux pleins d'essence "remboursés par l'assoce", ils ne paient rien. C'est un mode d'économie solidaire : celui qui repose sur l'identité et la notoriété des acteurs qui tous se tiennent la main, font chaîne et cercle, s'entre-reconnaissent comme membre d'un clan ("l'assoce") et s'entendent comme larrons de foire, et à laquelle le transfuge, le nouvel arrivé, l'étranger ne saurait avoir accès sauf par le truchement d'un acte de foi mystique et politique, un fervent parti pris à le vouloir, religieusement, considérer comme un frère et autoriser son introduction dans le cercle des élus bénéficiaires, soit exactement ce que se sont mis en tête de faire du migrant transcontinental les actuels partisans de l'économie solidaire.

Il découle de tout cela que l'économie ultralibérale, flibustière, faite de trafics, de ventes éclairs, de sociétés anonymes, de comptes bancaires chiffrés, de sociétés boîtes aux lettres, de prête-noms, de déménagement d'usines à la cloche de bois, de fraudes en tous genres, d'enrichissements illicites, de montages d'optimisation fiscale et d'escroqueries à la TVA est incompatible avec ce que les tenants et promoteurs de son opposé nomment diversement "économie solidaire", ou "associative", "citoyenne", "responsable", laquelle est, fondamentalement, une économie nominale du visage, du nom et de l'autographe, en laquelle le luxe et le bien suprêmes sont ceux que confère l'identité.

Mais incompatible comment ? Car la latitude et le libre choix des individus à s'engager dans des activités inscrites dans un type d'économie n'en demeurent pas moins intacts, et chacun a faculté de panacher diversement ses activités, lucratives ou non. La précision à apporter est qu'elles sont territorialement incompatibles.

La question du territoire surgit en effet dans cette dichotomie et conditionne la contradiction qui la hante et que l'on vient d'examiner. Il est possible en effet à un même individu de s'adonner à l'économie libérale, anonyme et sauvage en un lieu en alternance avec des périodes où il occupera sa place dans le cercle d'une économie sociétaire (pour user ici du terme qu'employait Charles Fourier) en un autre lieu, sur un territoire distinct, et disjoint du premier. C'est, généralement, ce que fait le "migrant" transcontinental en ce premier quart du 21e siècle.

Christian Combaz dans une de ses dernières vidéos rapporte le cas d'un groupe de migrants (dont il ne dévoile pas le pays d'origine) à pratiques prédatrices dans une petite ville de Lorraine : escroqueries, malfaçons, tromperies, paiements en liquide (20% moins cher), concurrence déloyale, et parasitage du commerce de proximité ; ces entreprises étant des PME de moins de cinq employés, l'administration fiscale se révèle le plus souvent impuissante à en sanctionner les pratiques, leurs propriétaires les mettant au nom d'un retraité de leur clan et les responsables prenant la fuite et se retirant du territoire pour se faire oublier, un an ou deux "sur les rivages du Bosphore" quand l'administration se décide enfin à sévir. Avant de revenir pour se relancer dans un nouveau cycle de prédations. Le fait de disposer de deux territoires disjoints permet à ces flibustiers non seulement d'échapper aux sanctions pénales dans le territoire où ils sévissent mais aussi de réintégrer une économie sociétaire dans leur pays d'origine qui double leur flibuste en Europe ; en effet il ne fait guère de doute que chez eux, sur les rivages du Bosphore, ces individus, engagés en Europe dans une forme d'économie libérale prédatrice, pratiquent dans le cercle clanique originel une économie solidaire et que ce type d'économie à laquelle ils paraissent naturellement réfractaires en Europe leur offre tous ses attraits dans le bain identitaire où elle les accueille au pays : co-investissement avec les frères, prêts sans intérêts aux cousins, etc.

Donc, la territorialité resurgit là où on ne l'attendait pas nécessairement : dans les considérations de politique économique fondamentale ; dans ce qui se fait passer pour transcendant, relevant "d'une vision de l'homme", etc., gît une affaire de bornage territorial et de contrôle des frontières. L'utopie s'entoure toujours de hauts murs, disait-on, et c'est bien ce que refusent d'admettre les utopistes de l'économie sociétaire qui se piquent aujourd'hui de sans-frontiérisme.

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Notes:
[1] Disparition de la propriété privée : c'était le Graal de la chimère communisme. Le communisme n'est pas parvenu à l'imposer. Il a échoué et en mourant a tendu le bâton à la post-modernité, celle des GAFA (Google, Apple, etc.) qui a repris le problème à la racine, en adoptant une stratégie de contournement et de progressivité : la suppression de la propriété privée s'étant avérée impossible "à froid" et par coercition violente, recommençons la tentative en douceur et par étapes – commençons par tenter de mettre fin à la vie privée, si nous y parvenons, si nous parvenons à amputer de la vie son épithète "privée", c'est la moitié du chemin que nous aurons accomplie vers l'abolition de la propriété privée. L'autre chemin, qui doit rejoindre celui-là, est celui de la promiscuité et de la surpopulation, de la surconcentration d'humains de toutes sortes, et de l'imposition du règne de la nécessité impérative, qui porte la plus impérieuse et absolue des injonctions à accomplir le projet imaginé par le communisme.


[2] Un mot ici sur ce qu'on désigne en français comme valeur faciale d'un titre ou d'une devise monétaire. Le terme anglais, sur lequel le français a été calqué, est face value. To take things at face value signifie prendre quelque affirmation ou déclaration comme argent comptant, c'est à dire l'accepter en confiance et sur la foi du visage du déclarant. Facebook recrée, comme Disneyland recrée le château de la Belle au Bois Dormant, dans les échanges avec l'inconnu ou le peu connu, la confiance originelle du villageois d'antan traitant avec son semblable du même village avec qui il partage une communauté de destin. Or la communauté de destin artificielle que suppose ce cercle ou ce plan égal des échanges, confiant et confidentiel, est entièrement articulée, fondée et irriguée par un universel de pétition et de fabrication, un universel religieux.
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